Six mois après le lancement du fonds de réparation et pour donner suite à la publication du premier rapport de l’Observatoire de la réparation, les articles fusent et tentent de décrire un premier bilan de ce dispositif. Une multitude d’articles proposent une analyse partielle de la situation. En tant qu’expert de la réparation, j’ai décidé de rédiger une série d’articles et proposer ma propre analyse. Ces articles servent avant tout à empêcher la diffusion de contre-vérités et de perceptions erronées qui pourraient avoir un impact négatif sur le fonds de réparation.

Nathalie YSERD, PDG d’Ecosystem, a demandé à avoir plus de temps pour récolter davantage d’informations avant de tirer les premières conclusions. Si je la rejoins sur la nécessité d’avoir plus de recul, je souhaite d’ores et déjà apporter mon expertise et clarifier un certain nombre de points. C’est pourquoi, ce premier article mettra d’abord en avant l’analyse des chiffres. En effet, différentes moyennes ont été diffusées par les médias et ne reflètent pas la réalité de ce secteur. Je vais donc remettre ces chiffres dans leur contexte et affiner l’analyse en tenant compte de la complexité du monde de la réparation.

Dès la parution du rapport, de nombreux médias ont relaté certaines informations de l’étude.

L’observatoire de la Réparation insiste sur la faible quantité de données analysées, l’absence de données de référence pour mesurer l’impact à ce stade et le manque de recul sur l’activité.

La conclusion de l’Observatoire dans l’encart reprend ces mises en garde. Malheureusement, ce type de mise en garde n’est jamais retranscrite dans les articles. C’est la première raison pour laquelle ce type de conclusion est dangereuse.

En revanche, je pense qu’il y a d’autres problèmes liés à cette conclusion.

La première partie conforte l’absence d’impact notable du fonds sur la réparation.

Les chiffres qui décrivent la population des appareils réparés sont globalement les mêmes que ceux de la réparation hors garantie, sans subvention.

La typologie des appareils réparés dans le cadre du fonds de réparation est la même que celle qui était réparée à ce jour. Cela n’a donc pas permis la réparation d’autres appareils, moins réparés. Un fait encore plus marquant, c’est Bosch qui est la troisième marque la plus réparée. Or, en parc installé, ce n’est pas Bosch qui présente le plus d’appareils en France. En revanche, avec une réparabilité élevée et un prix moyen au-dessus du marché, Bosch est sans doute la marque la plus réparée en hors garantie dans le blanc aujourd’hui. C’est une claire indication que la subvention n’a pas aujourd’hui bougé les lignes de la réparation.

Le point suivant de la conclusion affirme que le contexte inflationniste serait en partie responsable de l’augmentation des prix, surtout dans le contexte des acteurs « internet ». Or, la lecture détaillée du rapport nous donne la cause de cette augmentation qui serait la majoration du prix de la réparation des acteurs sur internet, c’est-à-dire Murfy.  Compte tenu du faible nombre de réparateurs labélisés, l’impact d’acteurs nationaux labelisés tels que Murfy et la Compagnie du SAV, est surpondéré dans l’estimation du coût moyen. Je rentrerai dans le détail dans un prochain article de ce que je pense des tensions inflationnistes, mais on peut déjà se poser la question de la pertinence d’une remarque sur deux acteurs qui ne représentent qu’une faible partie des milliers de techniciens réparateurs.

De la même manière, le fait que le montant de la réparation soit subventionné à 22% n’est pas une métrique pertinente pour trois raisons.

Premièrement, on doit distinguer les réparations en atelier et à domicile.

Leur structure de coût est fondamentalement différente. En effet, on a toujours tendance à oublier l’impact du déplacement. En moyenne en France, environ un tiers du coût de la réparation est lié au coût de transport et la main d’œuvre associée. C’est la différence de prix pour une réparation en atelier par rapport à domicile qui a amené de nombreux consommateurs des territoires à déposer leur appareil de gros électroménager en atelier.

Comme la subvention est la même à ce jour, on privilégie mathématiquement toutes les réparations en atelier, car les consommateurs sont plus sensibles à une remise si elle représente un plus fort pourcentage du montant total. C’est un biais cognitif bien connu. Etes-vous plus sensible à l’argument qu’une réparation en atelier sans pièce est subventionnée à hauteur de 40% ou à une subvention de 25€ ? En parlant de moyenne, on occulte les impacts relatifs des subventions sur le type de consommation.

Deuxièmement, on occulte les différences fondamentales entre les coûts de réparation par type de produit. Dire que la subvention moyenne est de 22% du coût de la réparation moyen est strictement identique à dire que le coût moyen de la réparation était de 113 euros. In fine, cette information n’a aucune valeur pour mon cas précis de panne, car il n’y pas de produit moyen entre un smartphone et un lave-linge.

Troisièmement, et c’est bien précisé dans ce paragraphe, pourquoi donner une moyenne si les prix sont divers en fonction des départements ? Par exemple, réparer dans les Alpes est beaucoup plus coûteux que dans les Hauts de France.

Pour finir, prenons un petit moment de réflexion sur les moyennes de ce rapport : est-il bien pertinent de regarder le nombre de réparateurs par département quand l’Ile de France comporte 12.358.932 d’habitants et le Centre-Val de Loire environ 2.572.278 habitants ?

Comme le titre le sous-entend, il faut nous restreindre de jugement sur des réparations moyennes de produits moyens pour le « Français moyen ». La reprise de ces conclusions imparfaites donne de mauvaises idées aux journalistes et in fine aux décideurs.

Je n’ai pas de doute qu’avec l’augmentation du nombre de subventions, l’observatoire présentera à minima des tableaux par type de produits, avec moyenne, plage de valeur et quantité. On pourra alors commencer à regarder l’efficacité de cette mesure, mais cette discussion fera l’objet d’un prochain article.

 

Emmanuel Benoît, CEO d’AGORAGROUP

 

Je reprends ici la conclusion de l’étude de l’Observatoire de la réparation :

Au bout de trois mois, le fonds réparation a permis d’aider la réparation de plus de 14 000 équipements électriques et électroniques. 55% des réparations se sont effectuées en atelier et 45% chez les clients. Les lave-vaisselle, les lave-linge et les téléphones portables sont les trois catégories de produits qui, à ce jour, ont été le plus réparés avec le fonds réparation. Pour ces deux gros équipements, la majorité des pannes provenait d’un problème électrique. Apple, Samsung et Bosch sont les trois marques les plus réparées actuellement à travers le fonds réparation.

Depuis le lancement et dans un contexte inflationniste, les prix de la réparation (surtout pour les acteurs internet) ont eu tendance à augmenter avant ou au moment du lancement du fonds réparation. Le prix moyen de la réparation pour un lave-vaisselle et un lave-linge est respectivement de 164 € et de 146 €. Pour un même appareil (i.e. un téléphone portable) et le même type de panne (i.e. électronique), il existe une diversité importante des prix en fonction de la localisation géographique (même si sur ce point la mesure statistique doit être relativisée à ce stade). Les prix étant libres, il est toujours utile de faire jouer la concurrence afin d’obtenir le meilleur devis. Le bonus à la réparation est majoritairement de 25 € par réparation et il permet de réduire le coût de la réparation d’en moyenne 22%.