Comprendre la structure de son marché est vital non seulement pour un produit fini, mais aussi pour toutes ses pièces de rechanges, mécaniques ou électroniques. Le “business model “ de la pièce détachée conditionnera ensuite la réparation et le service après-vente de ces produits. Dans la continuité de notre série d’articles sur les enjeux liés à la pièce détachée, nous analysons la structure du marché des pièces en croisant les secteurs. L’objectif est de livrer un panorama complet à de nouveaux acteurs du service en raison du fonds de réparation et de l’indice de réparabilité 

La pièce détachée, une valeur relative  

Quel que soit le marché, la valeur de la pièce détachée reste avant tout liée à celle du produit fini.  Elle répond à une question simple du consommateur : considérant le prix d’achat et le délai de livraison, est-il intéressant de faire réparer mon produit endommagé ? A cette équation de base, une autre dimension peut être ajoutée : existe-t-il un lien affectif avec la marque ? Dans le cas de l’électroménager, le secteur souffre depuis longtemps d’un déficit d’image alors même qu’il a prouvé son utilité et qu’il est plébiscité par le grand public. La banalisation du marché et la chute constante du prix du produit fini a eu des répercussions sur la réparation. Aujourd’hui, la tendance est en train de s’inverser avec des fabricants de plus en plus proches du consommateur. Avec des services à valeur ajoutés, de la vente de consommable, des conseils d’entretien et la gestion de réparateurs agréés, les fabricants tentent de se rapprocher du modèle automobile. 

Quand la pièce détachée devient un produit de luxe  

Une fois l’appétence du consommateur pour la pièce détachée estimée, il convient d’étudier le niveau de concurrence de ce marché. L’automobile en est le parfait exemple. Pour les pièces visibles et en particulier la carrosserie, le fabricant retient l’exclusivité de la fourniture au titre du droit de propriété intellectuelle. Les lois qui protègent de la contrefaçon les robes des couturiers français s’appliquent aux ailes et pare chocs de nos voitures. Cela permet de maintenir un niveau de prix élevé.  En 2017, la commercialisation des pièces de rechange a généré un chiffre d’affaires de 13,2 milliards d’euros en France soit 59 % des 22,5 milliards d’euros générés par l’ensemble de l’après-vente automobile. Le SRA (Sécurité et Réparation Automobile) rapporte depuis plus de 10 ans des hausses de prix de 5 % à 6 % par an. Le législateur tente de changer ce modèle sans y parvenir pour l’instant. La présence toujours plus importante de logiciels dans nos appareils produit le même effet. Et au-delà du respect du droit de la propriété intellectuelle, seuls les fabricants peuvent assurer la compatibilité entre les pièces, le logiciel et les cartes, comme on peut le voir sur les téléphones, les consoles, et même les tracteurs. C’est le cas, également dans l’électrodomestique où les cartes restent le composant le plus cher. 

Quid de la pièce générique  

A l’inverse, pour les pièces de rechange ou d’usure, fourni par des équipementiers à la grande distribution (filtre de vidange, balai d’essui glace, …) la guerre des prix est la norme. Avec l’arrivée des pure players dans l’automobile, la notion de pièce détachée générique accessible en un clic au grand public a fait son apparition. Nul besoin de connaissance technique pour pénétrer ce marché de la pièce multi-marques interchangeable, mais de la confiance du consommateur afin de le rassurer sur son achat. Du côté de l’électroménager, la révolution n’a pas encore eu lieu toutefois de plus en plus de fabricants proposent leurs pièces détachées au consommateur via des e-shop. Une solution qui garantit des pièces de qualité à des prix accessibles et favorise l’autoréparation. Pompe, résistance et autres pièces standards de marque sont, ainsi, en accès libre pour les bricoleurs.  

Structurer le marché de la pièce détachée encourage -t-il la réparation ?  

Si l’automobile et l’électroménager gèrent depuis longtemps cette complexité, d’autres secteurs souffrent d’une offre de réparation difficile voire quasi-inexistante pour des raisons de prix, de disponibilité ou de logistique. Si la réparation n’est pas commune, le consommateur estimera souvent le cout d’une réparation supérieur au prix d’un nouveau bien. Le bricolage ou l’électronique grand public, par exemple, souffre de cette perception. En structurant davantage le process de réparation et en communiquant sur sa possibilité, on lève ces barrières. Avec l’extension de l’indice de réparabilité à d’autres secteurs, il sera intéressant d’analyser l’évolution de ces perceptions. Pour le moment, on constate que plus les réparateurs sont facilement accessibles, plus on répare. Le changement d’écran du téléphone portable fait partie de ces cercles vertueux où la présence des réparateurs encourage la réparation et vice-versa.  

 

Le futur du SAV, un enjeu de volume ou de qualité ? 

La réparation dans l’électroménager est digitalisée et optimisée depuis de nombreuses années. Nous avons une capacité de gestion de très large volume avec environ 15 à 20 millions d’appareils par an. Les réparateurs sont en majorité des acteurs indépendants sur tout le territoire qui participe au maintien de l’emploi local. Malgré un prix des produits finis les plus bas d’Europe, la France a largement réussi à maintenir une activité forte de réparation de l’électroménager. Fort de ce constat, la mise en place de filière efficace de réparation est possible pour tous les acteurs. Nous sommes prêts au sein d’Agoragoup à accompagner les nouveaux acteurs du marché qui vont devoir faire face aux enjeux de la pièce de rechange afin de répondre au cahier des charges du fonds de réparation. Un autre challenge venu de nos voisins Outre-Atlantique risque aussi de bousculer les mentalités, le right to repair ou le droit des consommateurs à la réparation. En résumé, la réparation devient un enjeu environnemental, économique et sociétal, un beau programme !